NÉGOCIATION SALARIALE AXA FRANCE : AUTOPSIE D’UN ÉCHEC
Une issue décevante
Juste avant la trêve des confiseurs, la négociation salariale Axa France s’est soldée par un constat de désaccord. Cela se traduira par l’application de mesures unilatérales décidées par la Direction. En effet, trois des quatre organisations syndicales représentatives ont refusé de valider des propositions jugées inacceptables. Voici une analyse des raisons de cet échec.
Des approches difficiles à concilier
Dans chaque négociation salariale, trois paramètres principaux entrent en jeu :
Le budget global des augmentations
La part dévolue aux augmentations générales
La part dévolue aux augmentations individuelles
Si un accord avec la Direction est souvent envisageable sur le budget global, c’est sur la répartition entre augmentations générales et individuelles que les divergences apparaissent. Cette divergence a été amplifiée par deux années de forte inflation ayant significativement réduit le pouvoir d’achat.
Pour la CFDT, l’exercice 2024 à inflation modérée était l’occasion de rattraper une partie de la perte de pouvoir d’achat non compensée des dernières années par des augmentations générales pour tous. Cependant, la Direction estime que seuls les salariés « méritants », reconnus par des augmentations individuelles, devraient maintenir leur pouvoir d’achat.
Cela revient à dire qu’un salarié consciencieux, mais non reconnu comme « méritant » verrait son salaire réel diminuer.
En outre, les modalités de répartition des augmentations individuelles aggravent la situation :
- Une partie du budget est absorbée par des mises à niveau dues aux changements de classification.
- Les métiers en tension et la volonté de rétention des salariés qui occupent ces postes consomment une part significative du budget, souvent au détriment des autres salariés.
Pour la CFDT, les augmentations individuelles doivent constituer une couche supplémentaire, en plus du nécessaire maintien du pouvoir d’achat et constituer une véritable reconnaissance améliorant le revenu réel.
Une absence de partage des fruits de la réussite de l’entreprise
Les accords salariaux devraient refléter non seulement les pratiques du marché, mais aussi les résultats exceptionnels d’Axa. Voici quelques évolutions marquantes des quatre dernières années :
+33 %
pour les 10 plus hautes rémunérations d’Axa France
+43 %
pour le dividende versé aux actionnaires
+64 %
pour la valeur
du titre Axa
Dans ce contexte, compenser l’inflation pour tous les salariés n’est pas une ambition excessive, mais une question de bon sens pour préserver notre pacte social.
Des propositions inacceptables
Malgré une évolution des propositions de la Direction, celles-ci sont restées insuffisantes. Voici la répartition proposée dans une enveloppe globale de 2,3 %.
Augmentations Générales (AG) | Augmentations Individuelles (AI) | |
Non-cadres | 1,3 % | 1 % |
Classe 5 | 0,7 % | 1,6 % |
Classe 6 | 0,3 % | 2 % |
Classe 7 | 0 % | 2,3 % |
Si les 1,3 % d’Augmentations Générales apparaissaient acceptables, 80 % des salariés en étaient exclus et ne voyaient pas leur pouvoir d’achat stabilisé.
À titre d’illustrations :
- pour une rémunération de 57 k€, un salarié de classe 6 (classification la plus représentée chez Axa France) aurait bénéficié d’une augmentation générale mensuelle nette de 11 € !
- pour une rémunération de 42 k€, un salarié de classe 5 aurait bénéficié d’une augmentation générale mensuelle nette de 19 € !
Des mesures unilatérales comme moyen de pression
En l’absence d’accord, la Direction a choisi d’appliquer des mesures unilatérales inférieures aux dernières propositions faites lors de la négociation :
Enveloppe globale : 2,0 %
Augmentations Générales (AG) | Augmentations Individuelles (AI) | |
Non-cadres | 1 % | 1 % |
Cadres | 0 % | 2 % |
Si le Code du travail prévoit effectivement des mesures unilatérales en l’absence d’accord, il ne précise à aucun moment que celles-ci doivent être inférieures aux dernières propositions exposées dans le cadre de la négociation. Cette pratique désignée sous le doux euphémisme de « prime à la signature » vise à exercer une pression à la signature sur les organisations syndicales. Céder à une telle logique reviendrait à considérer que tout accord doit être signé quel que soit son contenu, au risque d’obtenir moins !
En réalité, les mesures unilatérales permettent de mesurer ce que la Direction estime, de son point de vue, raisonnable d’octroyer aux salariés au regard de leur investissement et de leur contribution aux résultats de l’entreprise. Le maintien du pouvoir d’achat des cadres n’entre manifestement pas dans cette définition.